La guerre de Paul est courte. 1 mois. 1 mois avant qu’il ne perde la vie. Quelques lettres de Paul à sa famille et l’historique de son régiment permettent d’en savoir plus sur sa vie sur le front.
Lorsque la guerre éclate le 3 août entre la France et l’Allemagne, Nancy n’est qu’à une quinzaine de kilomètres de la frontière allemande après l’annexion de l’Alsace-Moselle en 1871. La Lorraine est donc dès les premiers jours du conflit le théâtre de violents affrontements. Le 26e régiment d’infanterie dans lequel est enrôlé Paul est aux premières loges puisqu’il est nancéien. On l’a vu dans le billet précédent, Paul et ses camarades sont d’abord envoyés à la frontière, sur le plateau de la Rochette, pour surveiller l’ennemi.
Plongé dans les batailles de Lorraine
A partir de la mi-août, les dernières illusions de Paul s’envolent lorsqu’il est plongé de plein fouet dans les atrocités de cette nouvelle guerre. En effet, aux escarmouches des premiers jours succèdent des combats d’une violence inouïe qui se déroulent dans le secteur de Nancy. C’est là que les Allemands concentrent leurs efforts après avoir pénétré sur le territoire français par les Ardennes.
A cause de la censure de l’armée, Paul n’évoque pas les batailles auxquelles il participe. On peut cependant le suivre grâce aux historiques du 26e régiment d’infanterie et de la 11e division. C’est d’abord la bataille de Morhange, les 19 et 20 août qui se solde par un retrait des Français suivi d’une longue marche forcée. Le tout sous un soleil de plomb. Quelques jours plus tard, le régiment est envoyé non loin de Lunéville sur les flancs de la colline de Léomont où pendant trois semaines Français et Allemands s’affrontent sans relâche.
« nous avons eu l’occasion déjà d’y laisser tous nos os »
Dans sa dernière lettre datée d’août 1914, Paul met le voile pudiquement sur son quotidien. Ses mots ne laissent que deviner la dureté des combats et des conditions de vie précaires.
« Très chers
Vous devez trouver le temps long après mes nouvelles. Je suis toujours en bonne santé, un peu fatigué car nous ne dormons plus guère. Sur 8 nuits en voilà 6 à la belle étoile. J’ai reçu mon maillot.[…] Vous ne me donnez guère de nouvelles. Nous n’avons pas perdu notre temps et nous avons déjà fait du boulot. Notre Cie jusque maintenant n’a pas trop souffert. Nous avons eu de la chance car nous avons eu l’occasion déjà d’y laisser tous nos os. Enfin ne vous en faites pas. Et surtout ne me croyez pas mort quand je suis longtemps à vous donner des nouvelles. Je vous souhaite tous en bonne santé. Et bien le bonjour à tous. Bons baisers à tout le monde. Paul »
Entre deux accalmies, le jeune homme doit sans doute regretter amèrement la décision du conseil de révision quelques années plus tôt. Ce jour-là, le médecin lui avait trouvé une constitution trop faible pour supporter les exigences du service. Il est vrai que du haut de son mètre soixante-dix, Paul n’est guère épais. Le conseil de révision avait fini par réviser sa position et avait déclaré Paul bon pour le service. S’il avait été réformé, sa vie se serait tenue loin de l’enfer de la guerre.